Les Petites Dalles, c’est un trou de verdure dans la mer, une boutonnière de craie blanche au fond d’un vallon, une plage de galets ronds. On y entre sur la pointe des pieds comme par effraction et on se promet aussitôt de ne jamais prononcer ce nom à voix haute de peur d’attirer la convoitise de malfaisants. Les Petites Dalles, Victor Hugo y a traîné ses guêtres, Delacroix y a crayonné sur la digue, Berthe Morisot y a peint une première falaise, une deuxième, une troisième et Claude Monet aussitôt l’a imité. Aujourd’hui, à New York, à Boston ou à Philadelphie, sur les murs des musées américains brille le blanc orangé et ocre des falaises dallaises que contemplent les Américains, ébahis par tant de beauté lumineuse. Les Petites Dalles, Sacha Guitry y a écrit des dialogues étincelants, Sarah Bernhard en a martelé le sol de sa jambe en bois, Georges Perrec y a joué au rami, Brigitte Bardot s’y est endormie, Jean Loup Sieff a mis dans son viseur les cabines blanches posées sur les galets, Charlotte Rampling a regardé le soleil se coucher sur la plage en fumant de longues cigarettes anglaises. Toute la beauté du monde a traversé un jour ce village. Et on voudrait le saccager en posant à l’horizon 87 éoliennes presque aussi hautes que la Tour Eiffel ? Impossible. Ce serait une faute de goût impardonnable. Victor, Sacha, Eugène, Sarah et tous les autres ne nous le pardonneraient pas et sortiraient de leur tombe en nous montrant du doigt !
Katherine Pancol
Lire le cahier d’acteur de l’association de protection du site des Petites Dalles